Qui est Clovis Hugues ?
Le saviez-vous ?
Mise à jour le 13/11/2024
Poète, journaliste et acteur de la Commune à Marseille où il est élu député en 1881.Premier député ouvrier, libre penseur, il se mobilise pour la reconnaissance du mariage et du baptême civils, ainsi qu'en faveur des droits des femmes et des étrangers.Élu député de Paris (19e) en 1893, il est l'un des défenseurs de Dreyfus et partisan de la loi de séparation des Églises et de l'État.
Jeanne Roaynnez, son épouse, a réalisé un buste qui se trouve aujourd'hui dans le parc des Buttes-Chaumont (entrée Mathurin Moreau).
Clovis Hugues est né le 3
novembre 1851 à Ménerbes dans le Vaucluse, au sein d’une famille ouvrière. Son
père, un combattant de la révolution de 1848, a nourri le sentiment de révolte
d’un enfant né un mois avant le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte (2
décembre 1851). Sa mère, aimante et pieuse, l’avait inscrit au petit séminaire.
Élève brillant, il s’opposa aux Jésuites lorsque ces derniers qualifiaient son
héros, le grand révolutionnaire italien Garibaldi, de « brigand ». Il
dût quitter le séminaire et obtint un emploi de commis dans le Journal de
Gustave Naquet, un républicain fondateur de la Ligue du Midi, futur directeur
de campagne de Léon Gambetta. Naquet, impressionné par ses aptitudes
littéraires lui confia un travail de journaliste.
En 1870, le régime impérial connaissait
une crise politique après l’assassinat du journaliste Victor Noir par un proche
de l’empereur. Le régime cherchait un second souffle. Poussé par les
bellicistes, Napoléon III déclencha une guerre contre la Prusse. Les défaites
de l’armée impériale provoquèrent des soulèvements dans toute la France. À
Marseille, Gaston Crémieux, « l’avocat des pauvres », à la tête de
500 républicains, occupa l’Hôtel-de-Ville. Clovis Hugues était à ses côtés pour
mettre sur pied une “Jeune légion urbaine” de 400 membres. L’armée impériale
délogea les insurgés mais, le 4 septembre 1870, à la suite la défaite de Sedan,
la République fut proclamée à Paris. Gaston Crémieux et ses amis libérés reprirent l’Hôtel-de-Ville de Marseille. Léon Gambetta,
devenu ministre de l’Intérieur du gouvernement de « La Défense
nationale », fit évacuer les occupants de la Mairie et mit Gaston Crémieux
et ses camarades en prison. Le gouvernement cherchait à signer un armistice
avec les Prussiens et fixa pour cela la tenue d’élections législatives. Les
zones occupées ou en état de siège étaient quasiment exclues du scrutin. L’Assemblée
nationale sortie des urnes, était monarchiste. La Chambre ratifia l’armistice
et confia la présidence à un monarchiste « libéral » : Adolphe
Thiers.
Le 18 mars 1871, les
Parisiens refusant les conséquences de cette « paix » humiliante, déclenchèrent
l’insurrection. Les insurgés proclamèrent le gouvernement de la Commune de
Paris. Les Marseillais libéraient les républicains et occupaient, de nouveau
l’Hôtel-de-Ville. Thiers, réfugié à Versailles, dépêcha à Marseille un régiment
de 7000 hommes et deux bateaux de guerre. Après 14 jours, l’Hôtel-de-Ville de
Marseille tombait sous la mitraille. Gaston Crémieux et les insurgés voulant
éviter le bain de sang, se rendirent à l’armée « versaillaise ». Le
28 mai, la Commune de Paris fut à son tour écrasée. Le Conseil de guerre
condamna à mort Gaston Crémieux et le fusilla. Clovis Hugues devait purger
quatre années de prison.
Clovis Hugues occupait son
temps à écrire des poèmes, des pamphlets et des pièces de théâtre. Libéré en 1875,
il reprit sa plume de journaliste chez le père de sa future épouse Jeanne Royannez.
En 1880, les socialistes français fondaient le Parti ouvrier, un parti marxiste
dirigé par Jules Guesde et Paul Lafargue (le gendre de Karl Marx). L’année
suivante, Clovis Hugues était élu député de Marseille avec le soutien du Parti
ouvrier. Il devient le premier « député ouvrier » de l’Histoire ;
un rôle qu’il assuma notamment en défendant les mineurs de Decazeville (janvier
1886) pour qui il avait lancé une souscription nationale et organisé des
meetings dans toute la France avec Louise Michel. Cette aide permit aux
grévistes de tenir cinq mois et de gagner partiellement alors qu’ils n’avaient
pas encore de syndicat. Franc-maçon et libre penseur, il militait en
particulier pour autoriser les municipalités à venir en aide aux indigents et
aux ouvriers. Il s’est battu contre les violences faites aux femmes, pour la
reconnaissance juridique du mariage et du baptême civil et pour l’ouverture des
lycées de jeunes filles. À la Chambre, il fustigeait ceux qui méprisaient la
mémoire des communards notamment le gouvernement Gambetta. Ce dernier avait nommé
le général Galliffet, massacreur des communards, au ministère de la Guerre. L’écriture qui lui avait permis de supporter
la prison et les moments de découragements le lia fortement à Victor Hugo, son
ami et mentor. Provençal dans l’âme, il fut approché par Frédéric Mistral qui
cherchait à “rougir” son école littéraire, le Félibrige. Élevé au rang de
Majoral, il balayait les critiques de son camp : « J’écris dans la seule langue que ma mère peut comprendre ».
En
1889, son soutien au général Boulanger, qu’il regrettera par la suite (ce
dernier s’était allié en secret aux bonapartistes), créa des tensions au sein
de la famille socialiste de Marseille. En
1993, Clovis Hugues fut brillamment élu à Paris dans le 19e arrondissement. À
la Chambre, il a défendu l’exilé Lavrov contre les députés xénophobes et ouvrit
ainsi la voie au droit d’asile. Il s’opposa à la condamnation à mort d’un jeune
anarchiste qui, en réaction au scandale de Panama, avait lancé une bombe dans
l’hémicycle ; sans faire de victimes. Ce fut l’une des premières
plaidoiries contre la peine de mort. Clovis Hugues a combattu pour la
révision du procès de Dreyfus dès la parution dans le journal L’Aurore
du fameux « J’accuse » de Zola. En 1905, son asthme chronique hérité
de sa période de prison, s’était fortement aggravé. Il ne disposait plus de ce
talent de tribun qu’appréciait Jean Jaurès et ses amis socialistes alors que la
loi sur la Séparation des Églises et de l’État était en discussion à la Chambre.
Il dû renoncer à se représenter aux élections de 1906. Clovis Hugues mourut le
11 juin 1907. Il repose à Embrun, la ville des Hautes-Alpes qui l’avait élu
président d’honneur de la Libre Pensée. Clovis Hugues a bien mérité d’être
connu.
Article rédigé par Serge Sebban, auteur d’une biographie intitulée Clovis Hugues,
communard, poète, député ouvrier parue en juillet 2022 aux éditions Le Temps
des Cerises.